Ce
qu'on appelle le français canadien est un français qui s'écarte
jusqu'à un certain point du français standard en raison de son
aspect phonétique archaïsant et d'un apport lexical particulier
(canadianismes et anglicismes). En effet, le français parlé au
Canada est marqué par ses origines: c'est un parler propre au nord
de la France du XVIIIe
siècle, encore relativement archaïsant au plan phonétique,
légèrement différent dans un grand nombre de mots d'origine
régionale (Normandie, Saintonge, Poitou, etc.), canadienne et
britannique ou anglo-américaine. Mais on ne peut plus dire, comme
des voyageurs français le rapportaient au XIXe
siècle, qu'on s'imagine entendre parler les «contemporains du
marquis de Montcalm» et que, selon les mots de lord Durham, les
francophones du Canada sont restés «une société vieille et
retardataire dans un monde neuf et progressif». De façon générale,
le français canadien reste une «variété régionale de français»,
comme le sont celui des Wallons en Belgique et celui des Suisses
romands. On observe dans ce français canadien régionalisé non
seulement des mots des niveaux de langue familier et populaire, ainsi
que des anglicismes et des emplois critiqués, mais également un
niveau standard, qu'on appelle le français
canadien standard ou
parfois appelé le français
québécois standard
qui sert souvent de modèle aux Canadiens de langue française des
autres provinces, à l'oral comme à l'écrit. Bien que les Canadiens
francophones aient cessé de considérer leur français comme un
«jargon inintelligible», il reste encore stigmatisé chez beaucoup
d'entre eux. Pourtant, par rapport au chemin parcouru, le français
parlé au Canada, notamment au Québec, s'est considérablement
rapproché du français dit international. Elle est révolue l'époque
où, comme le linguiste français Antoine Meillet pouvait écrire en
1918, que les Canadiens francophones «ne contribuent pas à la
culture française parce qu'ils ont rompu le contact avec elle».
Néanmoins,
à l'exemple de l'anglais canadien terre-neuvien, le français
canadien est marqué par une variété particulière utilisée dans
les Maritimes: le français acadien. Si beaucoup de Français ayant
immigré au Canada dans la vallée du Saint-Laurent au XVIIIe
siècle provenaient du nord de la France (Normandie, Perche,
Île-de-France, Bretagne, Champagne, Picardie, Anjou, Maine,
Touraine, etc.), la plupart de ceux qui se sont installés en
Acadie étaient originaires de l'ouest de la France (Poitou, Aunis et
Saintonge). Mais les variantes linguistiques notées en Acadie ne
correspondent pas aux frontières provinciales. En réalité, il n'y
a pas une seule variété acadienne dans les Maritimes, mais
plusieurs. Par exemple, l'acadien du sud-est du Nouveau-Brunswick
semble plus caractéristique que celui parlé dans le Nord-Ouest et
celui parlé dans le Nord-Est. Plus que partout ailleurs en Acadie,
l'alternance et l'emprunt à l'anglais semblent plus fréquents dans
les communautés acadiennes du sud-est du Nouveau-Brunswick. De façon
générale, les influences linguistiques franco-québécoises ont
commencé à affecter la vitalité des acadianismes dans certaines
régions. C'est un phénomène qu'on observe également en anglais
canadien, même s'il semble de plus en plus s'homogénéiser au
profit de l'anglo-ontarien.
Enfin, on parle beaucoup des anglicismes employés dans le français canadien, notamment au Nouveau-Brunswick et en Ontario où le français est en situation de contact intensif avec l'anglais. Après la Conquête britannique de 1763, on pouvait affirmer qu’un décalage, voire un fossé, a pris forme entre le français du Bas-Canada (Québec) et le français de France. Ce décalage s’est amplifié au cours du siècle suivant la Conquête au point où les anglicismes ont fini par creuser un véritable fossé entre les deux variétés de français. Toutefois, il semble bien que cet écart soit définitivement arrêté pour amorcer un certain rapprochement. Pour les Français, le parler «canadien», au demeurant «charmant» avec son «joli accent», est souvent perçu comme un peu «exotique», mais pas mauvais. Pour les Canadiens francophones, il est souvent considéré comme allant de «correct» à «mauvais», mais auquel ils s'identifient sans nul doute. Cela dit, l’augmentation de la scolarisation a sûrement été l’un des causes majeures de la standardisation du français au Canada, mais ce ne fut pas la seule. Le développement des médias électroniques et celui des communications internationales ont aussi contribué à rétrécir les écarts entre le français du Canada et celui de France. Mais il a fallu compter également sur la mainmise de l’État — surtout le Québec et le Canada fédéral, mais également le Nouveau-Brunswick et l'Ontario — dans le développement de l’identité collective et sur la progression économique des francophones dans les activités industrielles et commerciales.