La coexistence des usages


Cela étant dit, une autre tendance de notre époque consiste à tolérer la coexistence des normes et des usages français. Alors que jamais le nombre des locuteurs francophones n'a été aussi élevé et que jamais un aussi grand nombre d'États ne se sont intéressés au français, l'Autorité traditionnelle semble être morte. L'Académie française a perdu beaucoup de sa crédibilité et semble être devenue le vestige d'une époque révolue. Pensons à la réforme avortée de l’orthographe et à la position controversée sur la féminisation des titres. Aujourd’hui, les nouveaux «maîtres» de la langue sont davantage les médias et les publicitaires, dont l'influence est autrement plus considérable que celle des académiciens ou des terminologues. Dans ces conditions, les normes se modifient au gré des modes.
De plus, dans chaque région du monde où l'on parle le français, il s'est développé une prise de conscience de la langue comme instrument d'identification nationale. Les Wallons, les Suisses romands, les Canadiens francophones, les Maghrébins, les Sénégalais, les Ivoiriens, les Antillais, etc., ne veulent pas parler exactement comme les Français. Chaque pays a tendance à cultiver sa propre norme locale, c'est-à-dire une variété de français qui a conservé un certain nombre de traits originaux. Nos contemporains se permettent de moins en moins d'ignorer la langue commune, mais ils ne sont plus hantés par les questions relatives à la «pureté», à la «distinction» et à la «qualité». La spontanéité et l'aspect fonctionnel comptent davantage, sans mettre en péril la communication.