À
cette époque, le français n'était encore qu'une langue langue
officielle à diffusion restreinte en France même. Essentiellement
courtisane, aristocratique et bourgeoise, littéraire et académique,
elle était parlée par moins d'un million de Français sur une
population totale de 20 millions, soit 5 % de la population. Étant
donné que les nobles ne comptaient que pour environ 4000 personnes à
la cour, ce sont les bourgeois et les grands commerçants qui, en
nombre absolu, parlaient surtout le français.
En
ce siècle d'organisation autoritaire et centralisée, ce sont les
grammairiens qui façonnèrent la langue à leur goût; le règne de
Louis XIV aurait produit plus d'une centaine de ces censeurs
professionnels,
la plupart des disciples de Claude
Fabre de Vaugelas
(1585-1659), le plus connu des grammairiens de son époque. Celui-ci
publia en 1647 les Remarques
sur la langue française.
Cette affirmation sur le «bon usage» du français l'a rendu fort
célèbre:
Le
mauvais [usage] se forme du plus grand nombre de personnes, qui
presque en toutes choses n'est pas le meilleur, et le bon au
contraire est composé non pas de la pluralité, mais de l'élite des
voix, et c'est véritablement celui que l'on nomme le maître des
langues. Voici donc comment on définit le bon usage : c'est la façon
de parler de la plus saine partie de la Cour.
À
l'image du roi, la langue vécut une époque de «distinction» et de
consolidation. Pour les grammairiens, le français était parvenu «au
comble de la perfection»; il fallait préconiser l'usage d'un
vocabulaire choisi et élégant. Les grammairiens
demeuraient tout préoccupés d'épurer la langue par crainte d'une
corruption éventuelle et de proscrire les italianismes, les
archaïsmes, les provincialismes, les termes techniques et savants,
bref les mots jugés «bas». L'Académie française continua de
veiller sur la «pureté» de la langue et publia la première
édition de son dictionnaire en 1694. Tout comme les sujets de Louis
XIV, les mots furent regroupés par classes; le vocabulaire ne
comprenait que les termes permis à l'«honnête homme» et
s'appuyait sur la tradition du «bon usage» de Vaugelas.
Placée
entre les mains des habitués des salons et de la cour de Louis XIV,
la langue littéraire fut celle du monde élégant et cultivé,
c'est-à-dire 1 % de la population. Son vocabulaire, appauvri par un
purisme — un souci exagéré de la pureté de la langue —
irréductible, ne s'enrichit pas, sauf par un certain nombre
d'emprunts à l'italien (188 mots), à l'espagnol (103 mots), au
néerlandais (52 mots) et à l’allemand (27 mots). Quant à la
phrase, elle se raccourcit et se simplifia; on délaissa les longues
phrases guindées. Dans la grammaire, il n'y eut pas de faits
nouveaux remarquables, sauf la disparition du
-s
du pluriel dans la prononciation, lequel reste depuis uniquement un
signe orthographique.