L’enrichissement du vocabulaire


Cette période agitée, constamment partagée entre le conservatisme et le libéralisme, se poursuivit encore après la révolte populaire de 1848, qui proclama la IIe République. Celle-ci fut aussitôt noyautée par les éléments les plus conservateurs de la bourgeoisie. Devant l'incapacité du gouvernement de maintenir la paix sociale, le président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte (neveu de Napoléon Ier), prépara et réussit un coup d'État (1851), et se fit désigner comme l'empereur des Français (1851) sous le nom de Napoléon III; ce fut le Second Empire. Se présentant comme le champion du suffrage universel, le protecteur du monde ouvrier et de la religion, Napoléon III se transforma rapidement en véritable dictateur: il supprima la liberté de presse, exclut les opposants régime, exerça une politique extérieure belliqueuse, suscitant ainsi partout la révolte. Entraîné dans une guerre avec la Prusse, il fut fait prisonnier à Sedan (1870) et dut abdiquer, tandis que les forces ennemies marchèrent sur Paris, qui se rendit en 1871. Ce fut la fin du Second Empire et le début de la IIIe République, qui stabilisa enfin la France.

Au point de vue linguistique, ces dernières décennies ont surtout été bénéfiques pour l’enrichissement du vocabulaire. L'oppression intellectuelle du Second Empire favorisa un vigoureux brassage idéologique des mouvements d'opposition; le vocabulaire libéral, socialiste, communiste, voire anarchiste, gagna la classe ouvrière. Les applications pratiques des découvertes en sciences naturelles, en physique, en chimie et en médecine apportèrent beaucoup de mots nouveaux nécessaires à tout le monde. De nouvelles sciences apparurent, avec leur lexique: l'archéologie, la paléontologie, l’ethnographie, la zoologie, la linguistique, etc. Les ouvrages de vulgarisation, les journaux, les revues et, une nouveauté, la publicité, diffusèrent partout les néologismes. MM. Émile Littré (1801-1881) et Pierre Larousse (1817-1875) consignèrent chacun ces nouveautés dans leur dictionnaire. À la fin du Second Empire, le français concernait tout le monde en France. Même si l'unité linguistique n'était pas encore réalisée complètement (sauf au Canada), elle était devenue irréversible et imminente. Phénomène significatif, les patoisants virent leur parler local envahi par les mots du français moderne.